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LA NATURE.

nier, un des collaborateurs de la Nature, déjà connu par ses recherches sur les météorites, expose toutes les parties de la géologie qui touchent à la chimie ; des examens doivent être faits par les conférenciers pour s’assurer du travail des élèves, qui seront récompensés, à la fin de leurs études, par un certificat témoignant de leur assiduité et de leur instruction.

Tout cet enseignement est absolument gratuit. M. Frémy a voulu rester fidèle à la vieille devise du Muséum : Tout est gratuit dans l’établissement ; cet excès de libéralisme est peut-être critiquable. Nous croyons savoir que le traitement des aides de M. Frémy comme ceux de tous les employés du Muséum est des plus minimes ; il doit osciller autour de 1 500 francs, sans jamais dépasser 2 000 francs ; les conférenciers font une besogne utile qui est peu ou pas rétribuée. Il y a peut-être là un abus ; si les soixante-cinq jeunes gens qui travaillent dans le laboratoire donnaient seulement 200 francs par an, ce qui serait encore bien peu, puisque les laboratoires particuliers demandent à leurs élèves 100 francs par mois, on aurait une douzaine de mille francs à distribuer dans le corps enseignants et ce ne serait que justice. Les Allemands n’y font pas tant de façons ; les professeurs qui s’entourent de nombreux élèves sont rémunérés par eux, bien que leurs traitements soient habituellement très-supérieurs à ceux que la France, si riche qu’elle soit, donne à ses maîtres les plus illustres. Il y a là évidement une réforme à faire ; elle doit d’autant plus tenter M. Frémy, qu’il a écrit il y a quelques années un opuscule pour montrer combien est difficile la position des jeunes gens qui se vouent à l’étude de la science.

Derrière la grandiose installation de chimie se trouve le laboratoire le plus modeste de M. Decaisne ; on descend quelques marches, on arrive dans un jardin destiné aux expériences de culture et l’on trouve à gauche une longue galerie vitrée : c’est le laboratoire de physiologie et d’anatomie végétales.

Autant il y a de mouvement chez les chimistes, autant on trouve ici de calme et de tranquillité ; nous ne sommes plus dans un laboratoire d’enseignement fréquenté par une nombreuse jeunesse, nous sommes dans le temple de la science pure, dans un laboratoire de recherches. M. Decaisne surveille et conseille dans sa visite quotidienne les anatomistes, qui, l’œil soudé au microscope, paraissent indifférents à tout ce qui se passe autour d’eux ; notre excellent ami et collaborateur, M. Dehérain, qui s’est fait connaître par d’importantes recherches de chimie agricole et de physiologie végétale, dirige les travaux du laboratoire que représente notre gravure. C’est une longue pièce parfaitement éclairée, où arrive à flots la lumière solaire, qui joue un rôle si important dans tous les phénomènes de la vie végétale ; à droite, les hottes enlèvent tous les gaz à odeur forte que le chimiste est obligé d’employer ; de longues tables garnies de faïences s’étendent au milieu de la pièce, comme au-dessous des fenêtres. Tout est d’une propreté méticuleuse ; nous sommes loin, on le voit, des anciens laboratoires, sombres, humides, où les toiles d’araignées rejoignaient les crocodiles pendus au plafond et enveloppaient de leurs nombreux réseaux les vieilles fioles saupoudrées de poussière.

Ce laboratoire, où se trouvent associés dans les mêmes recherches chimistes et botanistes, nous promet sans doute une ample récolte de travaux originaux, il est encore peu peuplé : n’y entre pas qui veut, on le conçoit. Il ne s’agit plus ici d’apprendre, mais de trouver. Les noms de M. Decaisne, de M. Dehérain, de M. Prilleux, physiologiste distingué, sont un garant que des recherches sérieuses y seront exécutées ; parmi les jeunes gens qui y travaillent se trouvent M. Landrin, M. Bertrand, qui, lorsqu’il était encore élève au collège Chaptal, a trouvé dans les sablières de Clichy, près Paris, des ossements humains associés à ceux des grands mammifères de l’époque quaternaire ; enfin un jeune Luxembourgeois, M. Vesque, chargé de tenir le laboratoire au courant des travaux publiés en Allemagne.

Au moment de notre visite, la préparation du jardin annexé au laboratoire de physiologie n’était pas terminée ; on remplissait des fosses, soigneusement garnies de tuiles, de terres d’espèces différentes pour y entreprendre des cultures comparées et suivre ainsi l’influence du sol sur le développement des plantes.

Ce jardin de physiologie végétale nous paraît destiné à fournir à la chimie agricole et à l’agriculture de féconds résultats. Le savant aura là le moyen de préparer à sa guise de véritables sols artificiels ; il verra les plantes de diverse nature croître sous ses yeux ; il les nourrira de substances organiques et minérales dont la composition lui sera connue. Il suivra pas à pas les différentes phases de la vie végétale ; il étudiera les lois encore pleines de mystère de la nutrition des végétaux. Quelles puissantes ressources entre les mains d’un expérimentateur !

À peine les laboratoires de chimie et de culture étaient-ils terminés que l’habile architecte, M. André, qui sait donner aux bâtiments qu’il construit une forme appropriée à leur destination et qui serait incapable de construire le fort détaché où loge l’anatomie comparée, a commencé l’édification des laboratoires de zoologie de M. Milne-Edwards. Il achève l’installation d’un bâtiment destiné aux reptiles et aux poissons : en deux ans la république aura fait plus pour le Muséum que l’empire pendant les vingt ans qu’il a présidé à nos destinées. De toutes parts, dans ce grand établissement, la vie renaît ; l’activité qui s’y manifeste est de bon augure.

Gaston Tissandier

LE CHEMIN DE FER DU RIGHI


Le lever du soleil, contemplé du sommet du Righi, est un des spectacles les plus sublimes que présentent les montagnes de la Suisse ; pas un des