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LA NATURE.

30 juin dernier. Un long rapport sur les travaux exécutés jusqu’à la fin de l’année 1872 a été présenté au nom de la direction et du conseil général d’administration. On a rencontré les plus grandes difficultés aux débuts de l’entreprise. Il a fallu d’abord ouvrir une longue tranchée en avant du tunnel, et c’est seulement le 30 septembre que le terrassement fut terminé ; 5000 mètres cubes de roches ont été broyés et arrachés des versants du Saint-Gothard pendant l’exercice 1872 !

COUPE DU TUNNEL DU SAINT-GOTHARD. — 1/100000.
A. 2 200m Granit plus ou moins homogène. — B. 350m Gneiss. — C. 150m Calcaire cristallin micacé. — D. 870m Schistes micacés passant au gneiss alternant, près d’Andermatt, avec des bancs de schistes noirs contenant des veinules calcaires. — E. 6 310m Schistes micacés alternant avec des gneiss finement schisteux, avec quelques bandes éparses de roches amphiboliques et dioritiques. — F. 1 680m Gneiss schisteux. — G. 2 910m Schistes micacés passant au gneiss, grenatifères, plus ou moins amphiboliques. — H. 620m Schistes micacés passant au gneiss, grenatifères, contenant beaucoup de veines quartzeuses. — I. Calcaire d’Airolo. — K. Calcschistes.

Mais on reconnut bientôt que des éboulements de rochers, dus à la raideur des talus, rendaient les travaux difficiles et dangereux. L’entrepreneur prit la résolution d’établir une voûte protectrice devant l’entrée de la galerie. Grâce à ces précautions, les travaux ont pu se continuer en faisant sauter les roches au moyen de la poudre et de la dynamite.

Les travaux d’installation que nécessite l’établissement de perforation mécanique du tunnel, ont été commencés en septembre. On utilise comme force motrice la Reuss, du Saint-Gothard. En employant des turbines avec 80 mètres de chute, on aura, pour faire fonctionner les machines, une force disponible de 600 chevaux. Cette force mettra en mouvement les machines de perforation, au moyen de l’air comprimé qui sera encore utilisé à la ventilation du tunnel.

L’attaque du massif alpestre s’exécute des deux côtés à la fois ; sur les deux versants nord et sud, l’activité est la même, mais sur les deux versants de l’immense montagne, dont le sommet s’élève jusqu’à 3300 mètres au-dessus du niveau des mers, la résistance de la nature contre l’attaque de l’industrie a été également énergique, également difficile à surmonter. La dureté des roches semble avoir eu pour alliés le froid, la neige et les inondations, qui pendant tout l’hiver se sont en quelque sorte opposés à la témérité humaine.

Vers la fin de décembre, du côté du nord, des neiges abondantes apportèrent aux travaux de sérieuses entraves que des infiltrations d’eau avaient déjà singulièrement ralentis quelque temps auparavant. Pendant longtemps il fallut en effet réunir les efforts des travailleurs pour boucher les fentes, où les eaux s’écoulaient en cascades, et la galerie ne pouvait guère avancer que d’un mètre par semaine. Toutefois, ces obstacles furent vaincus, et pendant le dernier trimestre de l’année dernière, on avança les travaux de près de 10 mètres par jour, en moyenne.

Sur l’autre versant du Saint-Gothard, du côté d’Airolo, les conditions atmosphériques ont été tout aussi défavorables. Sur quatre-vingt-douze jours, il n’y a eu que cinquante-cinq jours sans pluie et sans neige. Dans le seul mois