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LA NATURE.

Théoriquement, le procédé est très-simple ; nous allons essayer de le faire comprendre, en supposant que l’opposition de Flore soit observée à la fois à Melbourne et à Saint-Pétersbourg, c’est-à-dire que M. Galle convertisse à sa méthode les directeurs des grands observatoires d’Australie et de Russie.

En rapportant Flore à trois étoiles de comparaison lors de son opposition, les astronomes de Saint-Pétersbourg trouveront la figure 1 ; au contraire, les astronomes de Melbourne trouveront la figure 2. Le triangle stellaire sera le même. Les trois jalons célestes seront demeurés inébranlables, mais la planète se sera déplacée par un effet de perspective facile à comprendre. Ce déplacement angulaire apparent tiendra à la longueur de la ligne droite qui sépare Melbourne de Pultawa. Comme on connaît cette base, puisqu’on possède les coordonnées géographiques de Melbourne et les coordonnées géographiques de Saint-Pétersbourg, et le rayon de la Terre, tout est connu. On peut résoudre le triangle, Flore au sommet, Melbourne et Saint-Pétersbourg à la base.

C’est ce que l’on peut faire également avec Mars, avec cette différence que Mars, dans les oppositions favorables, est deux fois plus près que Flore ne saurait l’être, et que, par conséquent, l’angle au sommet du triangle Saint-Pétersbourg, Melbourne, Mars aura une valeur deux fois plus grande[1].

1. La planète flore vue de Saint-Pétersbourg. — 2. La même planète vue de Melbourne.

Hâtons-nous de dire, pour que l’on ne nous accuse pas de parti pris envers M. Galle, que certaines circonstances importantes militent en faveur de sa méthode ; nous croyons devoir les passer succinctement en revue.

Le mouvement de Flore est deux ou trois fois plus rapide que celui de Mars, ce qui permet de faire une erreur moindre sur le moment précis de l’opposition[2].

Flore, qui n’est qu’une humble planète invisible à l’œil nu, ne saurait posséder le rayonnement de Mars, qui gêne pour l’observation des étoiles voisines, c’est-à-dire de celles qui sont le plus propres à devenir des jalons célestes.

Enfin, le diamètre de l’astre choisi par M. Galle est si petit, que les astronomes de Melbourne et de Saint-Pétersbourg ne commettront point d’erreur tenant à une différence dans la visée.

Encore une fois, nous ne méconnaissons pas la valeur de ces raisons, mais nous préférons attendre l’événement pour nous prononcer. Qui sait si quelque nouvelle planète ne se révélera point dans les zones supposées désertes, qui nous séparent de Mars, ou si le groupe déjà connu ne possède pas quelque astre excentrique auquel l’astronome de Breslau n’a point pensé et qui, dans des circonstances favorables, viendra pousser des pointes encore plus favorables ? Pourquoi M. Galle, imitant Thésée, délaisse-t-il Ariane, dont la distance moyenne est, il est vrai, de 54 000 rayons terrestres, et dont l’excentricité est sensiblement plus grande (0,16 contre 0,15)[3] ? C’est à des recherches d’un genre tout nouveau et d’une importance beaucoup plus grande que M. Leverrier veut faire servir les observations de ces petits corps que leur multitude et leur proximité rend si intéressants, et qui, comme le directeur de l’Observatoire de Paris l’a deviné, exercent une heureuse influence sur l’astronomie de l’avenir.


LES MONÈRES

Les Monères sont les organismes les plus simples que nous connaissions et, peut-on dire, les plus simples qui puissent exister. La vie s’y manifeste sous la forme la plus propre à nous faire comprendre ce qui la caractérise essentiellement, dépouillée de tous ses attributs secondaires.

La première Monère fut découverte en 1864 par le célèbre professeur d’Iena, Hæckel, et le nombre s’en est accru depuis lors successivement. Ces découvertes ont eu un grand retentissement dans le

  1. Il est facile de se convaincre, de ce fait en prenant 24 000 rayons terrestres pour la distance approchée de la terre au soleil. En effet, la distance moyenne de Mars étant de 36 000 rayons terrestres dans cette hypothèse, il restera 12 000 rayons terrestres de distance lors des oppositions ordinaires ; ces 12 000 rayons seront réduits à 9 000 par le fait de l’opposition des orbes. La distance moyenne de Flore est de 52 000 rayons terrestres, qui, lors de l’opposition moyenne, est réduite à 28 000. Comme Flore se meut dans une orbe deux fois plus excentrique que Mars, cette distance se trouvera réduite à environ 19 000, lors des oppositions qui, comme, celle de 1872, ont lieu dans des conditions exceptionnellement favorables.
  2. Le mouvement moyen de Mars, étant de 1 800 secondes par jour, celui de la terre de 3 600, en nombres ronds, son mouvement apparent, lors de l’opposition, est réduit à 3 000. Le mouvement moyen de Flore étant de 1 000 secondes, en nombre rond, son mouvement apparent est encore de 2 600, lors de l’opposition, ce qui constitue une différence sensible.
  3. Nous citerons encore parmi les planètes déjà connues et étudiées, Phocéa, excentricité, 0,25 ; Virginia, excentricité, 0,28 ; Euridice, excentricité, 0,30, moitié de celle de certaines comètes périodiques, que l’on pourrait employer, avec beaucoup d’avantage peut-être, au but que l’astronome prussien se propose de remplir.