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LA NATURE.

vallées bavaroises et quelques villes de la Suisse romande, telles que Lucerne, ont éprouvé également des secousses. Le lac de Tégerne, non loin de Munich, aurait débordé.

Dans la vallée du Soligo, la terre s’est soulevée verticalement, aussi plusieurs édifices ont-ils été ruinés de fond en comble. L’église de Saint-Pierre de Felletre s’y est entièrement écroulée. On a ramassé 40 cadavres sous les décombres. Comme le 29 juin coïncide avec la Saint-Pierre, il y avait, malgré l’heure matinale de la catastrophe (5 heures), beaucoup de monde dans les églises. Cette malheureuse coïncidence a multiplié considérablement le nombre des victimes ; car, à cause de leur orientation indépendante des plis du terrain, et de leur volume, ces édifices sont excessivement dangereux quand la terre se met à trembler. On a vu, dans plusieurs villes, les prêtres épouvantés fuir de l’autel sans prendre le temps de déposer leurs ornements sacerdotaux ; on cite même un officiant qui tenait d’une main convulsive le calice dans lequel se trouvait l’hostie consacrée !

Les oiseaux qui chantaient dans les arbres et sur les toits ont immédiatement cessé de faire entendre leur ramage.

Les malfaiteurs, détenus dans les prisons, ont fait des efforts pour se faire mettre en liberté. Il a fallu l’intervention de la force publique pour les retenir dans le devoir.

Les personnes qui se trouvaient dans l’intérieur des maisons bourgeoises ont elles-mêmes éprouvé, dans bien des endroits, une excessive difficulté à en sortir ; car un des premiers effets d’un tremblement de terre est de déranger presque toujours les portes et d’empêcher de les ouvrir.

On a remarqué que les fils télégraphiques ont été arrachés dans un grand nombre d’endroits. Le fait suivant donnera une idée de l’énergie des oscillations qu’ils ont éprouvés. On a vu deux fils distants de 0m,10 (1 décimètre), se choquer l’un contre l’autre !

Ce tremblement de terre semble donner raison au professeur Palmieri qui prétend qu’un volcan finira par sortir au milieu des Alpes. C’est le voisinage du mont Baldo que le directeur de l’observatoire vésuvien a indiqué pour la place du futur cratère.

Le bruit s’était répandu que le lac de Santa Croce s’était mis à bouillir. Ce qui est certain, c’est que, deux jours avant la catastrophe, un pécheur s’est aperçu que le niveau des eaux était plus élevé qu’à l’ordinaire. Nous ne croyons pas que l’on ait découvert des cendres volcaniques dans le voisinage de Farra, mais à Puos on a entendu très-nettement le son de bruits souterrains.

La secousse principale a été accompagnée de mouvements accessoires dans la vallée du Soligo et dans toute l’étendue de Trévise à Bellune. Les habitants épouvantés ont campé sous la tente et sont restés plusieurs jours sans oser rentrer dans leurs demeures.

Comme toutes ces villes sont pourvues d’instruments enregistreurs des tremblements de terre, nous aurons à recueillir d’autres renseignements sur cette épouvantable catastrophe.

La suite prochainement. —


LES PERCE-OREILLES

La plupart des personnes qui daignent quelquefois s’occuper des petites bêtes, connaissent seulement parmi les insectes quelques types remarquables par l’élégance de leurs formes et l’éclat des couleurs, comme les splendides papillons des régions tropicales ou ces Buprestes métalliques que le caprice de la mode mêle à la coiffure des dames. Tout le reste du monde entomologique n’inspire que du dédain ou du dégoût. Vite ! écrasons ces vilains animaux qui sont si sales !

C’est précisément parmi les nombreux insectes à parure sombre que nous allons choisir une famille très-naturelle, et chercher à faire comprendre combien l’étude des mœurs immuables de ces êtres chétifs offre d’attraits, sans qu’il soit nécessaire d’y joindre les qualités accessoires de la magnificence du costume. D’abord nous affirmons que tous les insectes sont très-propres. Souvent leur corps paraît terni ; mais, qu’on regarde de près, on verra une couverture de poils, admirablement et sans cesse brossés et lissés, servant à protéger par supplément une peau déjà cuirassée ou constituant de délicats organes du toucher. Le règne animal, à part certaines espèces abruties par la domesticité, n’a de réellement malpropre que son orgueilleux souverain. Nous voyons même des insectes, tels que les Nécrophores, les Bousiers, etc., s’échapper des matières putrides ou des débris les plus immondes avec une peau brillante et vernissée, parée souvent de taches aux vives couleurs, comme au sortir d’un bain immaculé.

Ce qui frappe les yeux au premier aspect chez les perce-oreilles, dont le nom scientifique général est Forficules, c’est une pince à branches plus ou moins courbées en dedans, située à l’extrémité postérieure du corps. Suivant une opinion probable, leur nom est dû à cet organe qui ressemble à la pince de métal dont se servaient autrefois les orfèvres pour percer les lobules de l’oreille des enfants. D’autres auteurs croient que ce nom est dû à l’habitude qu’auraient ces insectes de s’introduire dans les oreilles. Il est possible que ce fait se soit quelquefois produit chez des personnes couchées à terre ; mais c’est un pur accident causé par l’instinct qui porte ces animaux à se réfugier dans toutes les cavités obscures. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter à ce sujet. La pince des Forficules est une arme défensive de faible puissance ; c’est à peine si, dans les plus fortes espèces, elle peut entamer légèrement notre peau. Elle sert aussi à maintenir en rapport les deux sexes lors de l’accouplement, et enfin, dans les espèces ailées, est em-