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LA NATURE.

L’ÎLE SAINT-PAUL

L’île Saint-Paul est une des stations désignées pour observer le prochain passage de Vénus entre la Terre et le Soleil. Elle est située dans l’océan Indien, et se trouve presque à moitié route du cap de Bonne-Espérance et de l’Australie, à une distance d’environ 2 000 kilomètres de ces points. Elle est complètement isolée au milieu des mers. Cette île est fort remarquable au point de vue géologique ; elle est constituée par un cratère volcanique éteint. Son étendue est de 3 kilomètres de longueur, sur 1 kilomètre et demi de largeur. Notre gravure en représente l’aspect le plus pittoresque ; on voit nettement que le rocher immense qui domine l’Océan a la forme d’un cône volcanique ; il ne serait pas impossible que cette île ait surgi du sein des flots, comme on l’a remarqué à plusieurs reprises dans l’histoire, pour quelques îles de la Méditerranée.

L’île Saint-Paul a été découverte par Vleming ; elle est accidentellement visitée par des chasseurs de loutre et des baleiniers. Le Dr Karl Scherzer l’a décrite dans son voyage de la Novara. À cette époque, comme aujourd’hui, ce récif, perdu au sein des eaux, fournit aux navires européens un petit ravitaillement de légumes qu’y ont plantés jadis des chasseurs de loutre, et qu’y cultivent les quelques rares habitants de l’île. Autour du massif de roches que nous représentons, on rencontre çà et là, dans des fissures de pierre, des sources d’eau chaude ferrugineuse qui, une fois refroidies, sont excellentes à boire.

L’île Saint-Paul.

Parmi les îles océaniques, il en est un certain nombre qui se sont subitement soulevées du sein des eaux, comme nous venons de le mentionner ; elles forment le sommet de montagnes dont les vallées constituent le fond des mers. Le groupe de Santorin, Thérasia et Aspronini, dans l’archipel grec, est célèbre comme exemple de l’activité volcanique du globe terrestre si brillamment manifestée par le phénomène de l’année 1707. D’après les récits recueillis par Arago, des marins ont pu apercevoir, à cette époque, une île entière s’élever peu à peu au-dessus de la surface des eaux. Parmi les phénomènes géologiques du même ordre qui se sont accomplis dans notre siècle, nous rappellerons le remarquable soulèvement de l’île Julia, observé près de la Sicile en juillet 1831. « Étant montés dans la hune du navire, dit M. Constant Prévost, témoin de ce spectacle étrange, nous aperçûmes l’île nouvelle qui avait assez bien la forme de deux pitons réunis par une terre basse. » Des bouffées de vapeur s’élevaient du cône volcanique émergé de la mer, et formaient dans le ciel des colonnes de nuages d’un aspect étrange.

Nous n’insisterons pas sur les phénomènes récents observés à Santorin en 1866, c’est à-dire à une époque trop récente pour que nos lecteurs n’en aient pas conservé le souvenir. Nous nous bornerons à ajouter, d’après ces faits, que l’île Saint-Paul a probablement une origine analogue à celles des îlots de la Méditerranée. Elle est située dans des régions où l’homme ne passait guère, et de grands événements géologiques ont pu s’y accomplir, n’ayant d’autres témoins que le ciel et l’Océan ! Espérons qu’elle sera doublement propice aux observateurs !

L. Lhéritier.



Le Propriétaire-Gérant : Gaston TISSANDIER.

paris. — imp. simon raçon et comp., rue d’erfurth, 1.