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LA NATURE.

L’accroissement de la population de Londres. — Londres, « cette province couverte de maisons, » n’a pas son enceinte aussi bien déterminée que Paris ; elle comprend sous différentes acceptions : la cite, les annexes légales, la délimitation postale, celle de la police, etc. La surface du « diocèse de Londres » est de 190 160 acres ; sa population qui s’élevait à 2 656 181 habitants en 1871, n’était en 1861 que de 2 305 822.

Le nombre des habitants a doublé dans les quarante dernières années ; si cette progression continue sans entraves, il y a tout lieu de croire qu’à la fin du siècle la population atteindra le chiffre de 5 millions et demi. Ce calcul permet d’espérer, d’après M. Bateman, qu’en 1951, la métropole, de l’Angleterre contiendra 14 000 000 d’habitants. En 1661, le capitaine Graunt estimait la population à 460 000. En 1683, sir William Petty la porte à 670 000 ; suivant ses prévisions, le mouvement ascensionnel devait s’arrêter en 1840, après avoir eu son maximum en 1800, époque à laquelle le chiffre aurait dû atteindre 5 359 000. Mais la mortalité a pris des proposions inattendues, si on la compare à la surface occupée : en 1626, elle s’augmentait dans la proportion de 6 pour 100 ; en 1726 elle était de 11,3 pour 100, et actuellement elle s’élève à 14,6 pour 100. L’accroissement est nul dans la Cité proprement dite, au cœur de Londres, mais dans les zones qui l’entourent, l’augmentation est de 16 à 23 pour 1000 par an.

On compte 40 personnes par acre de surface ; mais la distribution est si irrégulière dans cette moyenne, que tandis qu’il n’y a dans certains endroits qu’une seule personne par acre, il y en a 300 dans d’autres.

Il semble naturel qu’un peuple ne peut pas avoir une croissance infinie, malgré tous les avantages qui favorisent ses évolutions ; elle dépend de circonstances complexes telles que les perturbations dans la condition politique et sociale, l’amoindrissement des mariages, l’émigration, l’abondance ou le manque de substances alimentaires, le déplacement de la population. En résumé, les données fournies par la statistique et les calculs de probabilité ne peuvent comprendre une foule de circonstances en dehors des prévisions humaines.

(D’après le Digest of the English census.)

De l’intelligence des singes. — Le journal anglais Nature en signale un très-remarquable exemple, d’après un de ses correspondants qui se trouvait près de Bahar, dans les Indes anglaises. Un singe, grièvement blessé par le plomb de chasse d’un voyageur, se mit à pousser des cris perçants, à appeler ses compagnons, qui ne tardèrent pas à accourir, et enlevèrent rapidement leur blessé. Des faits analogues nous ont été rapportés, par un officier de marine fort distingué, qui avait exécuté un remarquable voyage d’exploration dans le Gabon. Quand les marins, nous disait ce voyageur, chassent les petits singes, alertes et vifs, qui pullulent dans les régions que nous parcourions, ils ont à soutenir souvent un véritable combat contre une armée de quadrumanes, qui s’efforcent toujours de sauver leurs blessés et d’enlever leurs morts. Les singes du Gabon accourent en grand nombre à l’appel de leurs compagnons en péril, ils les défendent, lancent des pierres et même des excréments à leurs ennemis humains, qui sont souvent obligés de se replier, et d’abandonner le champ de bataille.

Les tremblements de terre. — Il ne se passe, pour ainsi dire, pas d’année où les feux souterrains ne se manifestent en quelques points du globe, par les épouvantables cataclysmes qui résultent des tremblements de terre, dont ils sont la cause. Les secousses formidables éprouvées il y quinze jours, à Venise, à Vérone et à Trévise, seront étudiées et analysées dans la Nature. — Mais nous rappellerons dès à présent que l’Italie est, dans l’histoire, un des théâtres habituels des brusques oscillations du sol produites sous l’action des réactions chimiques de l’intérieur de notre planète. Depuis la destruction de Pompeï et d’Herculanum, jusqu’à nos jours, bien des points de l’Italie ont été en proie aux désastres causés par les feux souterrains. Il n’y a guère plus d’un siècle, en 1783, la surface entière de la Calabre fut bouleversée parmi tremblement de terre formidable. Sur 375 villes ou villages, 320 furent complètement ruinés, anéantis. La ville de Polistena, au milieu de la Calabre, s’effondra subitement, en enfouissant la plus grande partie de ses habitants sous ses décombres. Le sol s’entr’ouvrit de toutes parts, en se fissurant çà et là de crevasses qui n’avaient pas moins de 150 mètres de large. Fasse le ciel que de semblables fléaux nous soient inconnus !

La pieuvre française à Brighton. — Arrivée au mois d’avril seulement, époque à laquelle elle fut ramassée, sur sa côte natale, cette pieuvre est en ce moment un des plus intéressants sujets du célèbre Aquarium. Ce n’est point qu’elle soit d’une taille comparable à celle de la pieuvre japonaise dont on expose le cadavre dans les environs de Brighton.

Mais, par un calcul de coquetterie maternel dont on pouvait croire un poulpe incapable, elle a précisément choisi, pour pondre ses œufs, l’angle formé par la glace du bac qu’elle habite et le mur rocailleux qui le termine. Les visiteurs et le naturaliste de l’établissement peuvent donc suivre avec une facilité merveilleuse toutes les phases du développement des céphalopodes, phénomène encore inobservé jusqu’à ce jour. Les œufs, de forme ovale et d’un diamètre de 3 à 4 millimètres, sont au nombre d’une centaine environ et attachés à une douzaine de feuilles flexibles, longues d’environ une dizaine de centimètres. La pieuvre les surveille avec toute l’activité d’une poule couveuse. Elle les enveloppe avec un de ses longs bras et repousse énergiquement tous les importuns qui voudraient troubler le développement d’objets si chers. Elle résiste même aux agaceries du mâle, jeune poulpe ramassé, au mois de février dernier sur la côte de Cornouailles, et qui semble l’inviter à abandonner ses œufs, pour venir se reposer dans une sorte de grotte en coquilles d’huitres où, depuis qu’ils se sont unis, ils semblent avoir élu domicile.

La pisciculture en chemin de fer. — Le gouvernement des États-Unis a organisé, sous la direction de M. Livingstone Stone, une expédition ayant pour but de transporter les poissons des rivières de l’Atlantique dans les eaux californiennes, beaucoup moins bien fournies en espèces comestibles. La compagnie du Central Pacific Railway a mis à la disposition du commissaire des États-Unis, un wagon complet dans lequel se trouve un aquarium garni de zinc et renfermant 40 hectolitres. Le réservoir a été pourvu d’une pompe à air pour l’aération. Le wagon contient encore un réservoir pour l’eau douce de réserve, et un réservoir d’eau de mer de dimensions beaucoup moindres.