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LA NATURE.

cours sur la régénération de l’Allemagne, peut nous sauver de tous les maux qui nous écrasent ! »

Guillaume de Humboldt et Fichte sont entendus. Selon leurs conseils, la régénération s’opère par l’instruction. On a vu les prodiges accomplis de l’autre côté du Rhin par soixante ans de culture scientifique et de travail : la Prusse, abattue de 1808, a cédé la place à la nation écrasante et victorieuse de 1871.

Le lecteur a compris le rapprochement que nous avons voulu établir : la plus simple logique ne fait-elle pas ressortir l’absolue nécessité de relever en France l’enseignement scientifique et de favoriser, au prix des plus grands efforts, le développement de l’instruction publique ? La situation est difficile, le temps presse, il est indispensable que les réformes signalées à l’Assemblée des sociétés savantes s’accomplissent dans un avenir très-prochain. Déjà l’impulsion est donnée : il faut que le mouvement se continue. Trois nouvelles chaires de mécanique ont été créées récemment à Marseille, à Lille et à Poitiers ; des laboratoires de clinique, pour les études d’histologie et d’analyse pathologique, ont été fondés à Montpellier et à Paris, où s’organise encore à l’École de médecine, un nouveau laboratoire de chimie biologique qui sera dirigé par M. Wurtz.

Le Muséum d’histoire naturelle va être complétement transformé. Déjà de magnifiques laboratoires ont été ouverts à M. Frémy, à M. Decaisne, à M. Brongniart ; déjà l’erpétologie est installée dans un nouveau monument où les reptiles ne seront plus emprisonnés dans des cages étroites et malsaines ; les collections du Muséum, qui constituent certainement une de nos gloires scientifiques, ne tarderont pas, enfin, à trouver place dans des galeries spacieuses où pourront s’étaler leurs innombrables richesses.

La Faculté des sciences de Paris sera transportée dans les terrains annexes du Luxembourg, où l’on construira un édifice digne de sa destination. L’antique Sorbonne n’abritera plus que la Faculté des lettres et la Faculté de théologie.

Pour mettre à exécution ces projets, l’argent est indispensable, s’il est le nerf de la guerre, il est aussi celui de la science ; de semblables progrès ne se réaliseront pas, on le conçoit, avec les 86 000 francs dont nous avons parlé tout à l’heure. Mais M. Jules Simon a fait entendre aux délégués des sociétés savantes que, cette année même, le budget de l’instruction s’élèverait probablement à la somme de huit millions de francs, dont la moitié serait fournie par le Conseil municipal de Paris et l’autre moitié par l’État. Les événements politiques actuels troubleront-ils d’aussi belles espérances ? Puissent tous ceux qui ont le pouvoir de hâter cette décision comprendre que l’avenir du pays est en jeu ! Puissent-ils se rappeler que la prospérité d’une nation ne dépend pas seulement des trésors qu’on y amasse, des palais qu’on y construit et des remparts dont on la défend. Son véritable bien, sa réelle force, c’est qu’on y compte des citoyens instruits, cultivés, et qu’on y voie surgir des intelligences d’élite, qui en font la grandeur. Qu’ils n’hésitent pas à puiser dans les caisses du trésor les quelques millions qui doivent relever l’enseignement supérieur en France, et plus tard on dira d’eux, comme les Allemands peuvent le dire de Guillaume de Humboldt et de Fichte. Ils ont ouverts au pays la voie du salut.

Gaston Tissandier.

LE CIEL AU MOIS DE JUIN 1873


Le mois de juin est, en nos climats de la zone tempérée boréale, peu favorable aux observations astronomiques nocturnes, en ce sens que les nuits y sont de bien courte durée ; les longs crépuscules du matin et du soir les raccourcissent encore, et c’est à peine, à l’époque du solstice, si l’on peut compter sur deux heures et demie à trois heures de nuit complète, j’entends d’obscurité. En outre, du premier au dernier quartier de la lune, c’est-à-dire du 3 au 17 juin, la lumière lunaire viendra encore par son éclat gêner les observations.

En revanche, la douceur de la température ôtera ce qu’il y a de pénible dans les observations faites la nuit en plein air. C’est la saison qui convient le mieux aux amateurs d’astronomie qui, n’étant point astreints au service régulier des observatoires, veulent néanmoins soit étudier les phénomènes connus, soit se livrer à des recherches nouvelles. Pour leur faciliter cette étude, nous donnerons, chaque mois, un court bulletin des phénomènes permanents ou périodiques dont la science peut prévoir avec certitude le retour.

Ce que nous appelons ici les phénomènes permanents, ce sont ceux qui ont leur siége dans la voûte céleste sidérale, et pour objets les étoiles proprement dites, les amas stellaires, les nébuleuses, la Voie lactée. Les phénomènes périodiques sont les mouvements des planètes, de la lune et du soleil, ceux des comètes, les flux d’étoiles filantes, puis les éclipses, les occultations.

En juin, outre la zone circumpolaire boréale dont nous ne dirons rien, parce qu’elle reste toute l’année en permanence, visible pendant la nuit, la proportion du ciel principalement en vue du côté de l’horizon méridional est riche en matériaux d’observations : c’est d’abord la Voie lactée qui étale ses plus splendides branches du Cygne au Scorpion en passant par l’Aigle et le Sagittaire, entre Alpha du Cygne, Wéga de la Lyre, Ataïr de l’Aigle et Antarès ; Hercule, la Couronne boréale, le Bouvier avec la brillante Arcturus se voient à l’occident de la grande nébulosité dont les branches traversent le ciel en diagonale. Citons seulement deux nébuleuses intéressantes, l’annulaire de la Lyre et l’amas si brillant de la constellation d’Hercule. Puisque la Couronne boréale est en vue, nous engageons les personnes qui possèdent des