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3l8 LA MUSE FRANÇAISE. ravissante, et la plus délicate fraîcheur ; son vers ins- piré exprime le sentiment, peint la nature, et ne 90 descend pas jusqu’à l’esprit. Dante est simple comme les anciens ; comme eux, il rencontre en foule les comparaisons naïves, les images familières, et surtout des tableaux domestiques et champêtres, où le coloris, le mouvement, le prestige poétique, échappent à tout 95 éloge. Pendant deux siècles, le laurier de Dante sem- bla se flétrir ; soudain la poésie italienne fut atteinte d’une stérile langueur. Enfin, les Alfieri, les Parini, les Monti, vinrent rendre témoignage, et leurs lyres furent sublimes parce qu’ils les frappèrent avec un 100 rameau de ce vieux laurier. Cependant la Divina Comuiedia manque d’intérêt, parce qu’elle manque d’action. Nous nous inquiétons assez peu, pour vrai dire, de voir le poëte achever ou non son laborieux pèlerinage : l’absence d’une action io5 principale ne se peut couvrir que par de nombreux épisodes ; et entrelacer sans fin des épisodes, c’est- à-dire appeler à chaque moment l’attention sur des objets nouveaux, ce n’est pas le moyen de beaucoup intéresser. Dante, d’ailleurs, est tombé dans une iio erreur grave en prenant pour sujet d’une épopée le merveilleux, qui ne peut y entrer que comme acces- soire. Le poëte épique doit toujours, à cause de la faiblesse de l’homme, donner une action humaine pour fond aux choses du ciel. iiS Le défaut le plus remarquable dans les détails de cette étrange composition, c’est l’amalgame perpétuel, et le plus souvent sans art, des fictions de l’histoire profane et des légendes de l’histoire sainte. Une obs- curité habituelle ne fatigue pas moins. Tantôt dans 120 les choses, tantôt sous le style indompté du poëte, elle