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3l6 LA MUSE FRANÇAISE. esprits, épouvanter les imaginations, rappeler par la flamme des bûchers les feux éternels de l’abîme. Alors se déclarèrent deux croyances opposées : d’un 25 côté on adorait la vérité, la religion ; mais c’était en tremblant, c’était avec une âme tourmentée d’invin- cibles terreurs : de l’autre on se jetait dans les bras du mensonge ; mais il était aimable, séduisant, et cou- vrait la licence du manteau de la liberté. 3o Guelfe par sa naissance, Dante ou Durante Alighieri appartint en outre au parti des blancs chargé un moment des destinées de l’orageuse Florence, il pros- crivit les noirs, fut proscrit par eux à son tour et se fit alors Gibelin. En ce temps-là la politique n’était 33 point une chose spéculative et de conscience ; elle était une aff^aire toute positive et toute d’intérêt : Dante, comme tous ses contemporains, devait at- tendre son existence publique des évènemens ; dans ce siècle, comme peut-être dans bien des siècles, la 40 vertu ne consistait point à se placer et à demeurer dans tel ou tel parti, mais à demeurer citoyen. Ainsi se montrèrent grands Farinata et Giano délia Bellay ces hommes si forts, qui ne pouvaient naître que dans les beaux jours de l’antiquité ou 45 dans ceux du moyen âge. Dante aussi avait l’âme grande, mais pleine d’amertume et de hauteur : s’il eût pu reprendre sa place parmi les premiers de sa turbulente république, sans doute il lui eût immolé ses haines ; il mourut dans l’exil, et voilà pourquoi il 5o n’a exprimé son patriotisme que par des regrets enflammés de colère et de douleur. Remarquons tou- tefois que son cœur aigri ne le trompe point et que ses plus durs reproches étaient encore pour Florence de salutaires leçons.