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constitue au milieu de toutes sortes de timidités. Victor Hugo a commencé par l’admiration de l’abbé Delille[1].

Parmi les vivants aussi, il faut à ces jeunes gens de glorieux patrons. La génération précédente a donné quelques poètes devant lesquels ils s’inclinent et qui, par une aberration singulière, leur semblent les apôtres d’un art nouveau. Six mois avant la Muse Française, ont paru chez l’éditeur Persan les Tablettes romantiques[2]. Le volume était orné des portraits de Soumet, de Guiraud, d’Ancelot, de Nodier, celui-ci avec son air habituel de finesse et de simplicité, les trois autres fièrement campés, le front découvert, le cou dégagé par des draperies flottantes, les cheveux artistement ondulés, l’œil étincelant, — face à la foule, et à l’avenir. Ils resteront les maîtres vénérés du premier cénacle.

Soumet a le prestige, d’abord, de cette étonnante souplesse d’esprit qui a permis sa précocité de poète, et qui lui a permis aussi de chanter tour à tour, avec une égale sincérité, tous les pouvoirs successifs. Aux Jeux floraux, à l’Académie française, au théâtre, il n’a connu que le succès. Dans les concours, son indifférence du sujet le sert merveilleusement. Le fanatisme, l’incrédulité, les embellissements de Paris, les derniers moments de Bayard, la découverte de la vaccine, quel que soit le thème, il est toujours prêt à l’enthousiasme ou à l’émotion. Et cette émotion, étant banale, est communicative : la Pauvre fille nous a valu toute une série d’élégies pleurardes. À deux jours d’intervalle, le 7 et le 9 novembre 1822, sa Clytemnestre et son Saül ont obtenu, à la Comédie française et à l’Odéon, un double triomphe. Séduisant avec cela, d’un

  1. Voy. dans la livraison de septembre le début de l’article de Saint-Valry.
  2. Premier volume de la série des Annales romantiques.