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extrêmement laid, au nez démesuré et au teint jaunâtre ; il ricanait, lui aussi, et me faisait mille révérences ridicules. Impatienté, je tournai bride et songeai à m’éloigner, d’autant que le soleil baissait et que j’avais du chemin à faire pour regagner la ville. Mais ce petit être, en deux ou trois bonds, eut tôt fait de me rejoindre et se trouva de nouveau à la tête de mon cheval :

« — Place ! m’écriai-je, ou je te passe sur le corps.

« — Hé ! cria-t-il d’une voix rauque, je viens de te sauver la vie, cela vaut bien un pourboire !

« — Tu mens, répondis-je ; c’est le ruisseau qui m’a sauvé la vie. Tu n’y es pour rien ; mais, afin de me délivrer de ta présence et de tes grimaces, je te paierai cependant volontiers.

« Et je lui jetai une pièce d’or qu’il reçut au vol dans un étrange petit bonnet pointu.

« Je poursuivai mon chemin au trot ; le nain ne me quitta pas et courut derrière moi en poussant des cris invraisemblables. Je mis mon cheval au galop ; l’affreux petit personnage galopa à côté de moi le plus naturellement du monde. Je le regardai avec colère ; il me montra la pièce de monnaie en glapissant : « Mauvais or ! fausse monnaie !… » À la fin, je m’arrêtai : « Que veux-tu ? lui dis-je. Prends encore cette pièce et laisse-moi. » Il recommença ses révérences grotesques et répondit : « Ceci n’est pas de l’or, ou je me trompe fort. Je possède moi-même quelques-unes de ces piécettes et je vais en montrer. »