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le feu sur lequel on te fera rôtir cette nuit, monsieur l’indiscret. » Et en même temps elle fit un tel vacarme, criant et agitant les grosses branches du chêne, que mon cheval, épouvanté, s’emballa et m’emporta dans une course vertigineuse, avant que j’aie pu faire plus ample connaissance avec ce monstre diabolique.

— Mieux vaut n’en pas savoir plus long sur son compte, dirent ensemble et en se signant les deux vieux pêcheurs. Et Ondine remarqua, en fixant sur Huldbrand ses beaux yeux clairs :

— Le plus charmant de l’histoire, c’est qu’ils ne t’ont pas rôti, mon gracieux chevalier.

Huldbrand reprit :

« Mon cheval, dont je ne pouvais plus me rendre maître, manquait à chaque instant de se jeter sur quelque tronc d’arbre ou dans quelque précipice. Tout à coup, il fit un brusque écart et s’arrêta net : je crus voir alors un homme haut et blanc qui s’était placé résolument en travers du chemin pour arrêter dans sa course folle le fougueux animal. Mais, en y regardant de plus près, je n’aperçus en réalité qu’un ruisseau clair et argenté qui coulait là son cours, et qui, barrant le passage à mon cheval, avait obligé la bête à s’arrêter.

— Merci, cher ruisseau ! s’écria Ondine en tapant des mains.

« À peine étais-je remis de cette alerte, continua Huldbrand, que j’aperçus à côté de moi un nain difforme,