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PREMIERE PARTIE


Dieu leur donna, encore que les premiers n’obſervaſſent ni la Circonciſion, ni le jour du Sabbath, ni aſſez d’autres ceremonies qui regardoient ſeulement la nation Judaïque (q) [1].

  1. (q)) Je crois qu’il eſt arrivé dans cette controverſe la même choſe dont il y a longtems qu’on s’eſt plaint en d’autres diſputes, où l’on alloit à de grandes extre mités faute de s’entendre. Cice ron & Seneque ont fait cette re marque au ſujet des conteſta tions, qu’avoient de leur tems les Stoïciens contre d’autres Phi loſophes, qui combattoient ſou vent enſemble pour des mots, uoiqu’ils euſſent rous le même §des choſes. Cela n’ar rive que trop encore tous les jours parmi nous, où l’on voit plus de ces όνοματομάχουζ, comme les nomme Critolaüs Phaſelite dans Clement Alexandrin, Lib. 2.Strom. que d’hom mes qui jugent ſolidement des matieres, ſans s’amuſer aux ter mes dont on les embrouille. Et certainement ſi nous n’enten dons autre choſe par le mot de Vertu Morale qu’une habitude del’ame, par laquelle nous ſom mes portés à faire des actions raiſonnables, je ne vois pas bien, comme on la peut dénier ſi abſo lument qu’on fait aux Paiens. Qn la definit encore dans l’Eco 1e, une habitude élective, ou de la volonté, qui confiſte dans une médiocrité raiſonnable. Et l’cir en donne aſſez d’autres de # que je me ſouviens avoir conſiderées au commen cement de ce Traité, faiſant voir
    comme elles ſe rapportent toutes à une même penſée. Cela pré ſuppoſé de la ſorte, comment peut-on ſoutenir que les Païens n’aient jamais eu de véritables VertusMorales ; ſil’on ne prouve au même tems qu’ils n’ont ja mais fait d’actions raiſonnables, † fuſſent conformes à la Raiſon ? Or de le prétendre ainſi c’eſt à peu près la même choſe, que ſi l’on vouloit maintenir qu’ils ont été tous fous & cou rans les rués ; qui eſt une pro poſition ſi extravagante, que je ne penſe pas que perſonne # voulût defendre. Ie ſai bien que les Stoïciens ne reconnoiſſoient autrefois pour vertueux que leur Sage, qui étoit un oiſeau bien rare ; ou ſelon Macrobe, Lib.2. in Somn. Scip. que les Philoſo phes ſeuls. Mais qui peutigno 1er auſſi le jugement qu’on a toûjours fait de leurs paradoxes ? Et qui ne voit que l’abſurdité de l’opinion que nous combartons eſt beaucoup plus grande que la leur, puiſqu’elle veut faire pas ſer tous les Païens qui ont été, our des inſenſés, ou des gens ans raiſon, s’ils n’ont eujamais aucune Vertu morale, qui n’eſt qu’une habitude aux actions rai ſonnables., Cette conſequence eſt ſi apparente, qu’une dès plus éloquentes plumes de ce ſiécle, qui a voulu défendre la plus rigoureuſe interprétation des pas paſ-


Tome V. Part. I E