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DE LA VERTU DES PAYENS.


Facienti quod in ſe eſt, Deus non denegat gratiam.

C’eſt auſſi une maxime en Théologie, qui ne reçoit point de contradiction, que Dieu ne refuſe jamais ſa grace à ceux, qui ſont tout ce qu’ils peuvent pour s’en rendre dignes. Or les Païens, qui ont vécu vertueuſement ſuivant les lumieres du droit de Nature, & ſoumet-

    répond à cela ; qu'il n'y a que les ſeules Ecritures Canoniques que nous ſoions obligés de ſui vre ; & qu'il faut tirer ſes con victions des textes ſacrés, ſil'on veut établir quelque choſe avec certitude. Pourquoi cette maxi me n'auroit-elle pas lieu à ſon égard ? Il a été trop juſte pour vouloir établir un droit ſur les autres, dont il ſe prétendit être exemt. Auſſi ai-je remarqué aſſez de points de doctrine, où l'on n'eſt pas accoutumé d'ac quieſer à ſes opinions. Celle qu'il a eûé touchant les enfans morts ſans Batême, n'eſt pas reçûé. On ne le ſuit pas non plus en beaucoup de choſes qui touchent la§č& le pèché Originel. Il a douté ſi les, Cieux ne ſeroient point un jour de la ſocieté des Bienheureux. Et chacun ſait, qu'encore qu'il ait tenu avec quelques Peres, que les Anges étoient corporels, l'Ecole a préferé ce que St. Denys, St. Chryſoſtome, & St. Cyrille ont enſeigné au contraire. En tout cas, puiſqu'il a écrit diver ſement ſur le ſujet que nous trai tons, c'eſt ſans doute qu'il ne nous a obligés à rien ; & que comme le Docteur Angelique dit dans ſon Opuſcule ſoixante & douziéme, qu'aiant mis dans
    ſes livres des choſes différentes, il laiſſe à ſon Lecteur l'élection libre de celle qui le contente ront le plus.St.Auguſtin ne nous a pas oté la même liberté. Et par conſequent nous ne ſaurions mieux faire, que de l'interpre ter comme le même Saint Tho mas, & tout ce que nous avons cité de Docteurs l'ont fait. Qui conque ſe ſera donné le loiſir de les voir, ne fera pas difficulté de dire, que c'eſt une maxime dangereuſe, dogmaque impieta tis plemiſſimum, de ſoutenir qu'au cun Paien, pour vertueux qu'il ait été, & quoiqu'il fût exemt d'idolâtrie, ne reconnoiſſant qu' un ſeul Dieu tout Bon, & tout Puiſſant, n'ait pû en quelque façon que ce ſoit, ni même par une grace extraordinaire du Ciel, obtenir lâ remiſſion de ſes pè chés. Comme c'eſt une erreur évidente, foedaque in Patres ca lumnia (pour uſer encore des termes dont on s'eſt voulu ſer vir là deſſus) d'écrire, que jamais Saint Iuſtin, Saint Chryſoſtome, Saint Ambroiſe, Saint Auguſtin, ni aucun des Peres n'ont crû, que Socrate, ou quelqu'autre tel Philoſophe Gentil, pût en au cune façon, ni même par la Bon té infinie de Dieu, participer à ſa miſericorde. ".