Page:La Mothe Le Vayer - Œuvres, Tome 5, Partie 1, 1757.pdf/410

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400
DE LA VERTU DES PAY. II. P. &c.


ture, conſidérée ſeparément, & tant qu’elle eſt nature, n’eſt pas mauvaiſe, il n’y a eu que la perverſité de cet Ange rebelle, qui Fa rendue telle. Que ſi nous pouvons bien diſtinguer quelque bonne partie dans cette ſource de tout mal, pourquoi ferions-nous difficulté d’accorder aux Infidèles, & aux plus vicieux des hommes, de certaines actions vertueuſes ? Et pourquoi n’en ferions-nous pas le même cas que des perles ou des diamans, qui ſe rencontreroient mêlés & comme enſevelis parmi des ordures ? Pour moi je ferois conſcience de ſuivre l’opinion contraire à celle, dont je me ſuis expliqué, & qui eſt la plus autoriſée dans les Ecoles. Si je ne lui ai pas donné tous les ornemens, dont elle étoit ſuſceptible ſoit pourla diſpoſition, ſoit pour le langage, c’est un défaut de l’art, que l’excellence de la matière peut recompenſer. Et s’il ſemble à quelques-uns, j’aie été defectueux, parce que je n’ai peut-être pas étendu mes conſidérations juſqu’où ils jugent qu’elles pouvoient aller, je les ſupplie de ſe ſouvenir, qu’on ne blâme jamais un Chasſeur, pour n’avoir pas tout pris ce qui étoit dans la campagne ; & que ſelon l’avis de pluſieurs, ce n’eſt pas bien enſeigner, que d’enſeigner tout.

___________________________________________________________
Chez Jean Tobie Siefard.