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DE M. LE DAUPHIN.


tout le monde fût ſi exact à ne ſe hazarder jamais ſous la conduite d’un patron de vaiſſeau, ou d’un cocher, ſans être aſſûré de leur experience, & qu’on n’apportât pas toute la diligence requiſe à bien inſtruire celui qui doit tenir le timon de l’Etat, & gouverner tant de peuples à ſa fantaiſie.

C’eſt, Monſeigneur, ce qui n’a guéres été vú en France, ou le ſoin de ces jeunes & cheres plantes a toûjours été très-exact, comme toutes nos Hiſtoires, & tant de rares action, qui ont été les fruits de cette bonne culture, nous le témoignent aſſez. Car non ſeulement nos Rois ont excellé en ce bel art de gouverner les peuples dans l’un & l’autre tems de paix & de guerre ; mais ils ſe ſont même rendus recommandables en beaucoup de ſciences, qu’on ne peut pas dire être abſolument neceſſaires à ceux de leur condition. Eginard nous aſsûre que Charlemagne parloit Latin, & entendoit le Grec, ayant même commencé la compoſition d’une Grammaire du langage vulgaire. Il l’enrichit du nom des vents & des mois de l’année, qui ne ſe prononçoient guéres auparavant qu’en termes Latins. Jamais il n’étoit ſans ſes tablettes où il écrivoit ce qu’il compoſoit, les mettant repoſer la nuit ſous le chevet de ſon lit.


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