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déchiré, ou après l'avoir lui-même impitoiablement mis en pièces? Cela posé, le don précieux dont il s'agit, n'auroit point été refusé aux Animaux, car puisqu'ils nous offrent des Signes évidens de leur repentir, comme de leur intelligence, qu'y a-t-il d'absurde à penser que des Etres, des Machines presque aussi parfaites que nous, soient comme nous, faites pour penser, & pour sentir la Nature?

Qu'on ne m'objecte point que les Animaux sont pour la plûpart des Etres féroces, qui ne sont pas capables de sentir les maux qu'ils font; car tous les Hommes distinguent-ils mieux les vices & les vertus? Il est dans notre Espèce de la férocité, comme dans la leur. Les Hommes qui sont dans la barbare habitude d'enfreindre la Loi Naturelle, n'en sont pas si tourmentés, que ceux qui la transgressent pour la première fois, & que la force de l'exemple n'a point endurcis. Il en est de même des Animaux, comme des Hommes; Les uns & les autres peuvent être plus ou moins féroces par tempérament, & ils le deviennent encore plus avec ceux qui le sont.