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DÉDICACE.

Il ne ſent rien, à force de ſentir. Tel eſt le plaiſir qu’on goute, & en cherchant, & en trouvant la Vérité. Jugez de la puiſſance de ſes charmes par l’Extase d’Archimède ; vous ſavez qu’elle lui couta la vie.

Que les autres hommes ſe jettent dans la foule, pour ne pas ſe connoître, ou plutôt ſe haïr ; le ſage fuit le grand monde & cherche la ſolitude. Pourquoi ne ſe plait-il qu’avec lui même, ou avec ſes ſemblables ? C’eſt que ſon Ame est un miroir fidèle, dans lequel son juſte amour propre trouve ſon compte à ſe regarder. Qui eſt vertueux, n’a rien à craindre de ſa propre connoiſſance, ſi ce n’eſt l’agréable danger de ſ’aimer.

Comme aux yeux d’un Homme qui regarderoit la terre du haut des Cieux, toute la grandeur des autres Hommes ſ’évanouïroit, les plus ſuperbes Palais ſe changeroient en Cabanes, & les plus nombreuſes Armées reſſembleroient à une troupe de fourmis, combattant pour un