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DÉDICACE

d’étranger à mon ſujet.

La Volupté des ſens, quelque aimable & chérie qu’elle ſoit, quelques éloges que lui ait donnés la plume apparemment reconnoiſſante d’un jeune Medecin françois, n’a qu’une ſeule jouïſſance qui eſt ſon tombeau. Si le plaiſir parfait ne la tüe point ſans retour, il lui faut un certain tems pour reſſusciter. Que les reſſources des plaiſirs de l’eſprit sont différentes ! plus on ſ’approche de la Vérité, plus on la trouve charmante. Non ſeulement ſa jouiſance augmente les deſirs ; mais on joüit ici, dès qu’on cherche à joüir. On joüit long-tems, & cependant plus vîte que l’éclair ne parcourt. Faut-il ſ’étonner ſi la Volupté de l’Eſprit eſt aussi ſupérieure à celle des ſens, que l’Eſprit eſt au-dessus du Corps ? L’Eſprit n’eſt-il pas le premier des Sens, & comme le rendez-vous de toutes les ſenſations ? N’y aboutiſſent-elles pas toutes, comme autant de raions, à un Centre qui les produit ? Ne cherchons donc