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Mais qu’il jouisse à la fin du repos dont il a besoin, livrez-vous y vous-même, en vous dérobant adroitement sous lui, de peur de l’éveiller : ne vous embarrassez plus du soin de la lumière, votre amant vous avertira du lever de l’aurore ; mais auparavant il se plaît à vous contempler dans les bras du sommeil, son œil avide se repaît des charmes que son cœur adore, ils recevront tous ensemble, & chacun en particulier l’hommage qui leur est dû. Comme il lève doucement le voile qui les cache à sa vue ! que de beautés toujours nouvelles ! il semble qu’il les découvre pour la première fois. Ses regards curieux ne seroient jamais satisfaits ; mais il faut enfin que le désir de voir fasse place au désir de sentir ; avec quelle adresse ses doigts voltigent sur la superficie d’une peau douce & tendue ! l’agneau ne bondit pas si légèrement sur j’herbe tendre de la prairie : ensuite il étend toute la main sur cette sursace polie, il la fait glisser d’un endroit à un autre : on diroit une glace qu’il veut éprouver. Mais son désir s’augmente par toutes ces épreuves, comme son feu s’irrite par de nouveaux larcins ; il va bientôt vous éveiller, mais peu-à-peu ; croyez-vous qu’il va vous prodiguer tous ces noms que sa tendresse aime à vous donner ? Non, il est trop voluptueux pour ne pas se faire violence ; sa bouche lui sera d’un autre usage, il donnera cent baisers tendres à l’objet de sa passion ;