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est toujours prête à lui donner ; pourquoi le voluptueux ne jouiroit-il pas des mêmes bienfaits. Il ne s’est pas donné au sommeil, c’est le son[…] qui l’a saisi dans les bras de la volupté. Morphée, après l’avoir enivré de ses pavots, lui fera donc sentir la situation charmante qu’il n’a quittée qu’à regret. Belles, qui voyez vos amans s’endormir sur votre sein, si vous êtes curieuses d’essayer le transport d’un amant assoupi, restez, s’il vous est possible, éveillées ; le même cœur, (soyez-en sûres) la même âme vous communiquera les mêmes feux, feux d’autant plus ardens, qu’il ne sera pas distrait de vous par vous-mêmes. Il soupirera dans le fort de sa tendresse, il vous parlera même, & vous pourrez lui répondre ; mais que ce soit très-doucement : gardez-vous sur-tout de le seconder, vous l’éveilleriez par les moindres efforts, laissez-le venir à bout des siens ; représentez-vous tous les plaisirs que goûte son âme, & puisque l’imagination peint mieux à l’œil fermé qu’à l’œil ouvert, figurez-vous comme vous y êtes divinement gravée ! jouissez de toute sa volupté, dans un calme profond, & dans un parfait abandon de vous-mêmes ; oubliez-vous, pour ne vous occuper que du bonheur de votre amant : écoutez ses soupirs dans un silence attentif, comptez tous ses mouvemens, & vos plaisirs naîtront de vos réfiexions sur les siens.