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des passages au travers de tous les pores, comme pour se communiquer avec plus d’abondance : semblable à ces sources qui resserrées par l’étroit tuyau, dans lequel elles serpentent, ne se contentent pas d’une issue aussi large qu’elles-mêmes, crèvent & se font jour en mille endroits ; telle esl l’impétuosité du plaisir.

Quels sont alors les propos de ces amans ! s’ils parlent de leur volupté présente, s’ils parlent de leurs regrets futurs, c’est encore le plaisir qui exprime ces divers sentimens. Ce je ne vous verrai plus se dit avec tendresse, il se dit encore avec flamme, il excite un nouveau transport, on se rembrasse, on se resserre, on se replonge dans la plus douce ivresse, on s’inonde, on voudroit se noyer dans une mer de voluptés. L’amante en feu fixe au plaisir son amant. Avec quelle ardeur & quel courage ils partagent l’ouvrage d’amour ! rien dans eux n’est exempt de ce doux exercice, tout s’y rapproche, tout y contribue ; la bouche donne cent baisers les plus amoureusement recherchés, l’œil dévore, la main parcourt, rien n’est distrait de son bonheur, tout s’y livre avidement ; le corps entier de l’un & de l’autre est dans le plus grand travail : une douce mélancolie ajoute au plaisir je ne sais quoi de singulier qui l’augmente, & met ces heureux amans dans une situation rare, que je sens bien, mais qu’il est difficile