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qu’il aime ; l’amour en soupire. Mais quels vont être les adieux ! & comment les peindrai-je ? Si la joie est commune, la tristesse l’est aussi ; les larmes de la douleur sont confondues avec celles du plaisir. Que d’incertains soupirs ! quels regrets ! quels sanglots ! mais en même temps que de volupté & quels transports ! jamais l’amour n’avoit tant pleuré, & cependant n’avoit été si heureux. Quel redoublement de vivacité dans les caresses de ces tristes amans ! les délices qu’ils goûtent en ce moment même, qu’ils ne goûteront plus le moment suivant ; le trouble où l’absence la plus cruelle va les jetter, tout cela s’exprime par le plaisir & se confond dans lui-même, ils n’ont que le plaisir pour interprète. Mais puisqu’il sert à rendre deux passions diverses, il va donc être doublé pour cette nuit. Doublé ! ah, que dis-je ! il sera multiplié à l’infini : ces heureux amans vont s’enivrer d’amour comme s’ils en vouloient prendre pour le reste de leur vie. Leurs premiers transports ne sont que feu, les suivans les surpassent, ils s’égarent, ils s’oublient ; leurs corps lubriquement étendus l’un sur l’autre, & dans mille postures recherchées, s’embrassent, s’entrelacent, s’unissent : leurs âmes, plus étroitement unies, s’embrâsent alternativement & tout ensemble ; le plaisir va les chercher jusqu’aux extrémités d’eux-mêmes, & ne se contentant pas des voies ouvertes, il se fait