Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ouie, que d’attraits perdus pour moi ! Aurois-je, sans l’odorat, le plaisir de sentir l’odeur que j’aime dans ma Céphise ? Nette & propre par elle-même, d’une santé, sans laquelle les plus brillans attraits sont flétris, si cette aimable enfant a quelquefois besoin d’art, c’est d’une eau claire & fraîche comme elle. Sans le toucher, le tissu de sa peau douce & fine, seroit pour moi, comme sa blancheur extrême pour un aveugle. Quel plaisir auroit ma bouche collée sur sa bouche ? mon sein étendu sur son sein ferme & rondelet, aussi-bien séparé, que l’arc parfait & élevé de les fins sourcils ? Mes lèvres s’amuseroient en vain à mille douceurs qui changent les heures en momens ; tant d’autres jeux d’enfant, qui plaisent à l’amour, ne séduiroient ni ma raison, ni mon cœur. Que deviendroient ces baisers pleins d’ardeurs, donnés amoureusement, doux prélude de baisers encore plus doux ? Ils ne seroient ni reçus, ni rendus, encore moins recherchés. Que dirai-je de cette partie divine pour le sentiment, qui semble exprès placée comme pour présider à l’entrée d’un dieu dans son temple ? Elle seroit en vain légèrement titillée, soit par les mains des grâces, soit par le plus agile organe des mortels. Il en seroit ainsi de cette papille, ou petite fraise délicate ; ce bouton rose & vermeil de la pomme d’amour, qui répond à ce nerf exquis, n’auroit plus la même sympathie ; cet