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luptueux Chaulieu, font des vers légers, tendres, délicats, galamment négligés. Que cette négligence les rend aimables ! mais ils ne sont charmans que par l’air de volupté qu’ils respirent. Orphée lisant ces vers, les crut d’Apollon même, ou de l’Amour ; il employa tous les charmes de son art pour en rendre l’harmonie plus touchante.

L’amour sait-il un conte même Japonois, il y met tant de volupté & de délicatesle, qu’on croit entendre Pétrone. S’il fait exécuter les ordres de l’Oracle, c’est pour mieux nous faire sentir tout le pouvoir de sa magie. Il nous attendrit avec une mère éplorrée ou avec une amante éperdue. Il ne persécute Phèdre que pour nous intéresser au cruel sort d’une malheureuse ; c’est pour nous la faire adorer, qu’il nous montre Zaïre, cette aimable Zaïre digne aussi d’un plus heureux destin. Pourquoi faut-il qu’une flamme aussi pure soit éteinte par des préjugés qu’elle n’avoit pas, & que l’amour ait souffert qu’on ait éclairé la reine de son empire sur d’autres intérêts que ceux de la volupté ? N’étoit-elle donc pas digne d’une ignorance à laquelle son bonheur étoit attaché ?

Voulez-vous d’autres miracles de l’amour ? Là le Maure, cette frêle machine, n’eût jamais pu penser ; qu’a sait l’amour ? il l’a organisée pour chanter, elle ravit nos âmes par les sons de sa