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que sentir simplement mon bonheur & ta puissance. La reconnoissance seroit ici un trop foible tribut, j’y ajoute encore par la réflexion & l’examen de mes sentimens les plus doux. Car si par-tout ailleurs la réflexion empoisonner les plaisirs, ici elle les augmente. Telle est la vraie volupté, l’esprit, & non l’instinct du plaisir, l’art d’en user sagement, de le ménager par raison, & de le goûter par sentiment.

Plaisir, (eh ! que n’ai-je l’art de Lucrèce pour t’invoquer sans cesse !) ne permets pas que ton pinceau se prostitue à d’autres voluptés que celles du fils de Cypris ; que ce dieu vif, impétueux, ne se serve de la raison des hommes que pour la leur faire oublier : qu’il ne raisonne que pour exagérer ses plaisirs ; que la froide phiipsophie se taise pour m’écouter ; que tout ressente enfin le désordre des passions, pourvu que le feu qui m’emporte soit digne, s’il se peut, de la volupté.

Quel est cet amant qui trouve sa maîtresse endormie ? jamais le sommeil de l’amour mêma a-t-il été plus respeclé ? il voudroit imposer silence à la nature entière, pour mieux contempler ce qu’il adore. Comme ses regards amoureux sont avidement fixés sur cette gorge négligemment découverte ! comme ils en parcourent, comme ils en pénètrent tous les charmes ! que n’imagine point le