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La vertu conserve aisément les conquêtes de la beauté.

J’aime, comme on aimoit, avant qu’on eût appris à soupirer, avant qu’on eût fait un art de jurer la fidélité ; je n’ai qu’un cœur à vous offrir : mais il est tendre comme le vôtre. Unissons-les, & nous connoîtrons à la fois, & le plaisir, & cette tendresse plus séduisante, qui conduit à la plus pure volupté des cœurs.

C’esl ainsi que tout ravit, tout enflamme un cœur sensible & amoureux ; chaque beauté l’extasie, chaque être inanimé lui parle & le remue, chaque partie de la création le remplit de volupté.

Chaque homme porte donc en soi le germe de son propre bonheur, avec celui de la volupté. La mauvaise disposition, ou le dérangement des organes nous empêche d’en profiter ; cependant je pense, que pour être aussi heureux, qu’il est possible de le devenir, il n’y a qu’à s’appliquer à connoître son tempérament, ses goûts, ses passions, & savoir en faire un bon usage ; agir toujours en conséquence de ce qu’on aime, satisfaire tous ses désirs, c’est-à-dire tous les caprices de l’imagination ; si ce n’est pas là le bonheur, qu’on me dise donc où il est. Laissons dire Zenon, Possidonius & tous ses sectateurs, ils ont eux-même prouvé que la douleur est un mal, & que le sage n’a point de droit de se soustraire d’un joug imposé à tous. Que