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l’un à l’autre, vous redemanderiez aux dieux tous ces ennuyeux momens, que votre cœur oisif a laissés passer sans aimer !

Quand une belle s’est rendue, qu’elle ne vit plus que pour celui qui vit pour elle ; que ses refus ne sont plus qu’un jeu nécessaire ; que la tendresse qui les accompagne, autorise d’amoureux larcins, & n’exige plus qu’une douce violence ; que deux beaux yeux, dont le trouble augmente les charmes, demandent en secret ce que la bouche refuse ; que l’amour éprouvé de l’amant est couronné de myrte par la vertu même ; que la raison n’a plus d’autre langage que celui du cœur ; que… les expressions me manquent, Philis, tout ce que je dis n’est pas même un foible songe de ces plaisirs. Aimable foiblesse ! douce extase ! c’est en vain que l’esprit veut vous exprimer, le cœur même ne peut pas vous comprendre.

Vous soupirez, vous sentez les respectables approches du plaisir ! Amour que tu es adorable ! Si ta seule peinture peut donner des désirs, que ferois-tu toi-même ?

Jouissez, Philis, jouissez de vos charmes : n’être belle que pour soi, c’est l’être vainement, c’est l’être pour le tourment des hommes.

Ne craignez ni l’amour, ni l’amant ; une fois maîtresse de mon cœur, vous le serez toujours.