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dans la nature, nous seuls sommes éveillés ; venez sous ces arbres, où l’on entend que le doux bruit de leurs feuilles ; c’est le zéphir amoureux qui les agite ; voyez comme elles semblent planer, l’une sur l’autre, & vous font signe de les imiter !

Parlez, Philis, ne sentez-vous pas quelque mouvement délicat, quelque douce langueur, qui surpasse toutes les autres voluptés ? Oui, je vois l’heureuse impression que vous fait ce mystérieux asyle : le brillant de vos yeux s’adoucit, votre sang coule avec plus de vitesse, il élève votre beau sein, il anime votre cœur innocent.

En quel état suis-je ! quels nouveaux sentimens, dites-vous !… Venez, Philis, je vous les expliquerai, il y a long temps que j’ai senti la même chose pour vous.

Votre vertu s’éveille, elle craint la surprise même qu’elle a ; la pudeur semble augmenter vos inquiétudes, avec vos attraits : votre gloire rejette l’amour, mais votre cœur ne le rejetteras.

Vous vous révoltez en vain ; chacun doit suivre son sort : pour être heureux, il n’a manqué au vôtre, que l’amour : vous ne vous priverez pas d’un bonheur, qui redouble, en se partageant ; vous n’éviterez pas les pièges que vous tendez à l’univers : qui balance, a pris son parti.

Ô ! si vous pouviez seulement sentir l’ombre des plaisirs, que goûtent deux cœurs qui se sont donnés