Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

calme de la mer, elle offre à nos yeux, comme une nape d’huile, qui est la plus belle image de la paix, ou que les vents déchaînés soulèvent les flots qui dans leur furie, effrayant tableau de la guerre, menacent de nous engloutir. Catulle rit des rigueurs de l’hiver ; comment les craindroit-il ? Les feux de l’été sont dans son cœur, & c’est l’amour qui les allume couché avec sa maîtresse ; la pluie, le vent, la grêle, la vaine fureur des élémens augmentent ses plaisirs.

Si l’hiver cesse, c’est la nature, qui prend ses habits de printemps, & nous invite à prendre les nôtres ; faisons parler dans nos cœurs l’émail des prés, & la verte gaieté des champs ; parons notre imagination des fleurs charmantes, qui rient à nos yeux. Belles, parez-en votre sein ; c’est, pour vous qu’elles viennent d’éclore : mais prenez autant d’amours, que de fleurs : reveillez-vous avec la nature, enivrez-vous d’amour, comme les prés s’enivrent de leurs ruisseaux. Chaque être vous adresse la parole, seriez-vous sourdes à sa voix ? Voyez ces oiseaux ; à peine éclos, leurs ailes les portent à l’amour ; les fleurs même se marient ; chaque chose est occupée à se reproduire : mais si l’instinct jouit plutôt que l’esprit, l’esprit goûte mieux que l’instinct.

Venez, vous qui en avez tant, Philis ; venez, descendons dans ce vallon tranquille ; tout dort