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S’il se promène, le plus beau lieu, le chant des oiseaux, un ciel serein & tempéré, un air rempli du parfum des fleurs, un bosquet impénétrable aux rayons du soleil, où l’on goûte la double volupté d’être au frais & de lire Chaulieu, le gazon le plus fin, le plus touffu, qu’on foule avec sa maîtresse, dans un endroit du bois si écarté, que les regards profanes n’y peuvent pénétrer ; la plus belle vue, la plus belle allée, celle où Diane se promène elle-même avec toute sa cour ; le lever de l’aurore, & du soleil ; la magnifique couleur de pourpre, qui se jouant dans le brun des nues, à son couchant, forme la plus superbe décoration les rayons argentés de la lune, qui consolent les voyageurs de l’absence du soleil ; les étoiles qui semblent autant de diamans, dont l’éclat esl relevé par le fond bleu, auquel elles sont attachées : ces nuits plus belles que les plus beaux jours, qui répandent leur rosée, pour désaltérer la terre, & leurs pavots, pour délasser les mortels fatigués, & endormir les maris jalous : ces nuits vertes, plus belles encore, que forment les arbres touffus des forêts, nuits qui inspirent les plus douces rêveries, où l’âme contente, recueillie, se caressant elle-même, enchaîne ses pensées volages, dans les bornes charmantes de l’amour : ombre impénétrable aux yeux des Argus, où il suffit d’être seul, pour désirer d’être avec vous, Céphise, & d’être avec vous,