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Suivons par tout le voluptueux, dans ses discours, dans ses démarches, comme dans ses plaisirs. Il distingue la volupté du plaisir, comme l’odeur de la fleur qui l’exhale, ou le son de l’instrument qui le produit. Voyez comme il écoute, & prête à chaque instant l’oreille à la voix secrète de ses sens ! Pourquoi ? C’est pour mieux entendre le plaisir : il croiroit ne l’avoir pas senti, s’il ne l’attiroit exprès. A-t-il entre ses mains le bouquet de Thérèse ? Comme il le considère ! il y trouve plus d’amours, que de fleurs ; il le respire avec la plus tendre & la plus naïve volupté ; un feu secret s’allume dans ses veines : quelle douce émotion ! & quelle en est la cause ? C’est qu’il était contre le cœur de sa chère Thérèse : il voudroit expirer, comme lui, sur son sein.

C’est ainsi que l’art ajoute à la nature, & fait la varier à l’infini. Le voluptueux, sensible à tout, ne veut rien perdre, & ne perd rien. Pour être heureux, il n’a qu’à vouloir. La volupté est l’objet de tous ses projets & de tous ses vœux : il ne fait pas un pas, pas un geste, qui ne tende vers elle. S’il jouit des bienfaits de l’amour, mille jouissances préliminaires précèdent la dernière jouissance : il ne veut arriver au combie des faveurs, que par d’imperceptibles degrés. Sur-tout, il veut qu’on lui résiste, autant qu’il faut pour augmenter ses plaisirs.