Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sent-on, d’une manière recherchée & plus philosophique. Tout est volupté pour un homme d’esprit, tout est sentiment pour un cerveau bien organisé, tandis qu’un sot connoît à peine le plaisir. Ses nerfs cependant peuvent entrer en convulsion depuis le sommet de la tête, jusqu’à la plante des pieds ; mais comme ils sont engourdis & difficiles à remuer à leur origine, jamais, & cela faute d’imagination, ils ne goûteront la volupté. L’esprit seul y conduit tellement, que je suis très-persuadé que si tous les hommes avoient précisément la même imagination, ils seroient tous également voluptueux. Esprits mobiles & déliés, qui coulez librement dans mes veines, puissiez-vous toujours, au gré de mes désirs, faire voler le plaisir dans mon cœur !

Vous êtes Allemand, baron, & votre manie est de paroître voluptueux : non, vous n’aurez jamais l’honneur de l’être. Si la volupté est à l’âme ce que le plaisir est au corps, le défaut de votre imagination ne vous permettra tout au plus d’être que débauché : or qu’est-ce que la débauche ? L’excès du plaisir, sans le goûter. Vous pourrez, je le sais, faire des miracles en amour, vous pourrez vous signaler par d’éclatans exploits ; tel est l’empire du corps, qu’il peut toujours donner à l’âme, malgré elle, dans certaines circonstances, un plaisir violent, qu’elle se pardonne à peine d’avoir goûté,