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tituez en vain ; en vain vous cherchez à m’éblouir par tous vos charmes ; ce n’est point la jouissance des corps, c’est celle des âmes, qu’il me faut. Amour, pourquoi combles-tu de l’excès de tes bontés ceux qui ne sont pas voluptueux ? Le plaisir qui ne conduit pas à la volupté, est-il un plaisir ? Quoi, tu cèdes à la brutalité, toi qui n’es dieu que par la volupté même !

On confond trop communément le plaisir avec la volupté, & la volupté avec la débauche. Tâchons de marquer la différence essentielle qui se trouve entre toutes ces choses. Que la physique même nous éclaire ici ; l’étude de la nature n’est pas sans plaisir pour un esprit voluptueux.

Nos sens sont le siège du plaisir. Il dépend de la tension & du chatouillement des nerfs. Dans le souverain plaisir, les nerfs sont aussi tendus, qu’ils puissent l’être, pour ne pas causer de la douleur. Un point forme la barrière, qui la sépare du plaisir ; celle de l’instinct & de la raison, n’est pas plus mince. Ce n’est donc que dans les sens qu’il faut chercher le plaisir ; les sensations d’esprit les plus agréables, ne sont que des plaisirs moins sensibles.

Mais la volupté veut être recherchée plus loin ; elle nous manqueroit souvent, si nous ne l’attendions que des sens. S’ils lui sont néceslaires, ils ne lui suffisent pas ; il faut que l’imagination supplée