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par l’insensibilité des bergères. Mais comment, si tendrement aimées, jouissent-elles seules des saveurs de l’amour ? Ce dieu ne pouvoit apparemment mieux punir les insensibles qu’en ne leur faisant point partager ses douceurs.

Ô ! vous qui baissez les yeux aux paroles les moins chatouilleuses, précieuses & prudes, loin d’ici. La pudeur que vous affectez, est fille du caprice & des préjugés : mais la volupté est la mère du plaisir, & son privilège la dispense de vous respecter, d’autant plus que vous n’êtes pas vous-mêmes, à ce qu’on dit, si austères dans le déshabillé. Loin d’ici, race dévote, qui n’avez dans le cœur que le germe de tous les vices, & pas une vertu. Étouffer les dons de la nature, c’est être indigne de vivre ; être hypocrite, c’est reprocher au créateur d’avoir sait l’homme pour le plaisir, & tromper l’univers.

Disparoissez aussi, courtisannes impudiques : il sortit moins de maux de la boîte de Pandore, que du sein de vos plaisirs ; hélas ! que dis-je, des plaisirs ! Eh ! en fut-il jamais sans les sentimens du cœur ? plus vous prodiguez vos saveurs, plus vous offensez l’amour, qui les désavoue. Livrez vos corps aux satyres ; ceux qui s’en contentent en sont dignes : mais vous ne l’êtes pas d’un cœur né sensible. La crainte et les regrets empoisonnent des plaisirs que vous ne partagez pas. Vous vous pros-