Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

curiolité ne portera-t elle pas les regards ? L’amour l’aiguillonne ; il veut instruire l’un par l’autre ; il a fait la gorge de la bergère différente de celle du berger : elle ne peut respirer, sans qu’elle s’élève, malgré la contrainte de la pudeur, comme pour s’attirer autant de désirs que de regards. Pensées naïves, désirs, inquiétudes, c’est alors que tout se dit sans fard, qu’on ne se dissimule aucuns sentimens ; ils sont trop nouveaux, trop vifs, pour être contenus.

Mais n’y auroit-il point encore d’autres différences ? Oh ! oui, & même beaucoup plus considérables. C’est la rose, que le trop heureux hymen reçoit quelquefois des mains de l’amour, rose vermeille dont le bouton esl à peine éclos, qu’elle veut être cueillie : rose charmante, dont chaque feuille semble couverte & entourée d’un fin duvet, pour mieux cacher les amours qui y sont nichés, & les soutenir plus mollement dans leurs ébats. Surpris de la beauté de cette fleur, avec quelle avidité le berger la considère ! Avec quel plaisir il la touche ! Le trouble de son cœur est marqué dans ses yeux. La bergère est aussi curieuse d’elle-même pour la première fois ; elle avoit déjà vu son joli visage dans l’onde : le même miroir va lui servir, pour contempler les charmes secrets qu’elle ignoroit.

Mais elle découvre à son tour route la différence