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duit tremblante au lit de son amant : l’hymen seul que sa générosité refuse pourroit la rassurer ; elle se pâme dans les bras de Méiis, qui meurt d’amour dans les siens ; mais réservée dans ses plaisirs, elle modère si bien ses transports, qu’il n’est que trop sûr qu’elle ne confondra que ses soupirs. Elle se défie de l’adresse même du dieu qu’elle chérit : tout dieu qu’il est, elle ne l’en croit que plus trompeur. Sa virginité lui est moins chère que son amour ; sans doute sa curiosité seroit voluptueusement satisfaite, avec celle de son amant : en faisant tout pour lui, elle croit à peine avoir fait quelque chose, parce que ce n’est point avec lui : elle sent bien encore qu’elle le refuse, moins qu’elle-même ; mais elle craint les fruits d’un amour éperdu ; elle n’entend plus que la voix d’un phanthôme, qui lui dit de se respeder. Quelqu’excessive que soit la tendresse d’un cœur qui n’avoit jamais aimé, elle n’est point à l’épreuve de l’infamie, comme l’amour qu’elle a pour son amant ne seroit point à l’épreuve du mépris. Dieu d’amour, se peut-il qu’une foible mortelle, que tu as séduite par tes plaisirs, conserve encore en aimant, tant de retenue, de force & de vertu !

Mais quels sont ces deux enfans de différent sexe, qu’on laisse vivre seuls paisibiement ensemble ? Qu’ils seront heureux avec le temps ! Non, jamais l’amour n’aura en de si tendres, ni de si