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émotion ravit son âme. Dans quel état d’ineffable volupté elle est trouvée par ce fripon de frère qui l’examine ! trop attentive, pour n’être pas distraite, la lubricité de cette petite coquine, l’empêche-t-elle de sentir les doigts libertins qui la touchent, au moment même qu’elle semble s’ouvrir à leur approche ? Ou ne voudroit-elle être désenchantée, que par de plus grands plaisirs ? Enfin le beau Giton gronde le Satyre qu’il a choisi pour ses plaisirs ; tout enfant qu’il est, il s’apperçoit bien de l’infidélité qu’Ascylte lui a faite : il donne à son mari plus de plaisir, qu’une femme véritable ; est-il surprenant qu’il mette ses faveurs au plus haut prix, & que le plus joli cheval, le coursier de Macédoine le plus vîte puisse à peine les payer ?

Voilà des descriptions dangereuses dans la bouche de leurs auteurs, surtout lorsque donnant, pour ainsi dire, un corps à ces idées, ils ont peint au naturel l’inconstance & la corruption du cœur, avec les postures les plus lascives de tous ces honteux enfans d’une débauche réprouvée par la nature. Certes de telles peintures, qui peuvent ébranler nos foibles cœurs, jusques dans leurs premiers fondemens, ont beaucoup plus d’ascendant, ou de puissance sur nos sens, que la description simple du temple de l’amour, des plaisirs de la belle Gabrielle d’Estrées, du libertinage de Marnon Lascaut, que la peinture naïve des amours de Daphnis &