Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en recevra. Mais pour plaire à un tel point, pour enlever les cœurs, pensées fines & délicates, richesse d’expressions, tours heureux, hardiesse de pinceau, traits sublimes, il faut que toutes les beautés de la nature soient relevées par celles de l’art : il faut que les unes & les autres, soient, si l’on me permet de parler ainsi, comme surprises de se trouver rassemblées, sous un même point de vue, avec tant de charmes. Il faut donc sentir soi-même par quelle inimitable adresse, on dit mieux les choses en les supprimant ; comment on irrite les désirs, en aiguillonnant la curiosité de l’esprit, sur un objet en partie couvert, qu’on ne devine pas encore & qu’on veut avoir l’honneur de deviner ! par quel séduisant prestige, par quel art de faire soupirer pour des attraits galamment cachés, la volupté s’embellit & semble recevoir des grâces piquantes, comme la beauté même ! Je hais toute affectation, elle éloigne la nature : ayez des grâces, sans trop paroître vous en donner : mais si vous dédaignez de plaire, (je parle aux belles, comme aux écrivains) je dédaigne aussi tous vos charmes.

Tels sont les divers effets de l’attrait insensible, ou grossier de la volupté que tantôt elle séduit l’âme imperceptiblement ; & semble ne marcher en quelque sorte par un chemin couvert, que pour mieux surprendre nos cœurs & tantôt déployant