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& de ses postures. Le même poison se trouve chez les autres ; il y est seulement adouci, apprêté avec plus d’art : ils aiment à le cacher sous des fleurs qui loin de le faire craindre, invitent à l’y chercher. Eh ! que leur succès m’ont bien appris que le sentiment du plaisir, épuré par la délicatesse & la vertu, loin d’exclure la volupté, ne sert qu’à l’augmenter ! Oui, l’arc avec lequel ils ménagent la pudeur, est l’art de le faire disparoître : sous le voile séducteur dont leurs objets sont ingénieusement couverts, ils font plus de conquêtes que ceux qui montrant tout à découvert, ne laissent plus rien à désirer.

Vous donc, qui voulez faire sentir la volupté dans vos écrits, imitez ces beaux esprits, qui maniant élégamment leurs sujets, & ne présentant jamais que d’aimables nudités, empruntent de nouvelles grâces de l’industrie avec laquelle elles sont voilées, & savent, sans se perdre dans une volupté métaphysique, modifier à l’infini, mille idées les plus agréables, mille sentimens divers ! que tous vos détails soient rians, & forment un tout qui enchante, qui ravisse l’imagination de vos lecteurs. Si vous avez du goût, sans donner dans les pièges que la vanité tend trop fouvent aux plus médiocres auteurs, vous pourrez juger vous-mêmes votre ouvrage, par la force de l’impression, & les secousses heureuses que votre propre imagination