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aussi bien aimer, n’est-il pas immortel comme vous ? les deux amans brulans d’amour, collés étroitement ensemble, agités, immobiles, se communiquoient des soupirs de feu : leurs âmes errantes sur leurs lèvres, confondues ensemble par les baisers les plus lascifs, ne se connoissoient plus ; éperdument livrées à toute l’ivresse des sens, elles n’étoient plus qu’un transport délicieux, avec lequel ces mortels se sentoient mourir.

C’est ainsi que Pétrone parle de ses plaisirs. Ses peintures sont vives, mais elles n’ont rien d’indécent, rien de grossier ; elles ne respirent que l’air le plus pur de la volupté. Mais n’ai-je pas lieu de craindre que cet air se corrompe, en passant par d’autres organes ? Et comme ses beautés, sa délicatesse n’est-elle pas inimitable ?

Qu’il faut d’esprit, & d’esprit voluptueux, pour bien rendre toutes les finesses de cet élégant écrivain ! comme il voile l’impuissance ! & avec quelle ingénieuse adresse, la maitresse de Polyénos remercie cette espèce de Mazulim, & fait trouver, à son exemple, du plaisir à n’en point avoir.

Si j’étois libertine, dit à-peu-près Circé, (car je traduis librement) je me plaindrois d’avoir été trompée, mais je rends grâces à votre foiblesse, parce que je ne suis que voluptueuse. L’attente du plaisir a été pour moi un plaisir véritable. Que de doux momens nous avons passé ensemble à l’ombre