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Avec quelle délicatesse cet auteur nous expose tous les genres de voluptés ! Rien ne révolte, rien n’effarouche la pudeur dans ses écrits ; il fait l’apprivoiser par un air de retenue, & il la séduit enfin par les charmes de son esprit & par la volupté de son pinceau. Jamais un baiser n’est donné seul ; il est suivi de mille autres baisers plus doux. Leur feu se glisse secrètement dans les veines, l’âme éprouve les mêmes degrés de plaifir & de séduction par lesquels il fait passer les objets dont il est épris. Que de grâces naïves & touchantes s’offrent de toutes parts ! Comme il raconte l’histoire de l’écolier de Pergame ! Grands Dieux ! l’aimable enfant ! la beauté seroit-elle donc de tous les sexes ? rien ne limiteroit-il son empire ? que de déserteurs du culte de Cypris ! que de cœurs enlevés à Cythère ! la déesse en conçoit une juste jalousie ; eh ! quel bon citoyen de l’isle charmante qu’elle a fondée ne soupireroit avec elle de toutes les conquêtes que fait le rivage ennemi ? Beau sexe cependant, n’en soyez point si jaloux : ce grand maître des voluptés que vous désapprouvez, a moins voulu, dans l’excès de son raffinement, vous causer des inquiétudes, que vous ménager des ressources contre l’ennuyeuse uniformité des plaisirs que l’inconstance aime à varier. En effet, combien d’amours, petits ou timides, qui s’effarouchant d’un côté, ont été bien aises d’en trouver un autre,