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impression, & enfin leur odorat corrompu, comme leur cœur, semble avoir regret aux moindres particules, qui ne l’ont pas frappé ; c’est autant de sensualités perdues. Mais encore une fois, toutes couvertes que sont les productions de ces écrivains de l’écume la plus luxurieuse, mille esprits libertins les aiment & les chérissent uniquement. À peine sont-ils sensibles à de plus foibles attraits, tandis qu’ils reçoivent avec tout le trouble des plus fortes passions, la molle douceur des idées lascives qu’on leur communique. Admirable, mais dangereuse sympathie de l’imagination de deux hommes différens ! C’est ainsi que le goût du plaisir, qui est un plaisir lui-même, naît quelquefois de la débauche la plus outrée.

Tel est le danger de ces plumes impures, que la vertu la plus assurée sent bientôt qu’elle s’ébranle & chancelle. Le tempérament le plus tranquille & le plus froid se trouve peu-à-peu livré à une douce émotion, suivie de mouvemens & de désirs qu’un objet phantastique vivement peint, fait quelquefois éclore plus efficacement que la réalité, dont il n’est que l’image.

Ainsi plus un livre obscène est bien fait, plus tout y est imaginé avec force, plus les couleurs sont vivement appliquées, plus ces ouvrages sont séduisans & dangereux, sur-tout si les yeux sont