Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome troisième, 1796.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les fixent avec transport sur la nudité de leurs tableaux, & loin de craindre l’impression de peintures trop licentieuses, s’y livrent éperdument.

Le caractère de ces esprits est de lever le rideau sur les orgies des Bacchantes, de révéler les mystères les plus impudiques du dieu des jardins, & de ne pas même souffrir l’apparence de retenue, dans ces nymphes qui feignant de ne rien voir, regardent finement Priape, au revers de leurs doigts écartés.

À peine sont-ils entrés dans l’avenue du temple de l’amour, qu’ils commencent par faire main-basse, pour ainsi dire, sur tout ce qui offense leurs regards ; dans leur amoureuse fureur, ils déchirent impitoyablement le voile de gaze, qui couvre les appas naissans des plus jeunes bergères : voulant tout voir sans rien imaginer, se privant du désir même, ils ne croiroient pas avoir peint la nature, s’ils ne la représentoient nue & dans toutes sortes d’attitudes, variées à l’infini par les mains ingénieuses de la lubricité.

Telle est la lascivité de leur imagination, qu’elle ne se repaît que des obscénités les plus révoltantes. Si on les déguise, si on les adoucit, elle tombe dans l’ennui & dans la langueur, comme ces corps vigoureux trop foiblement nourris. Il n’est rien de trop fort pour leurs organes endurcis ; il n’y a que les odeurs les plus impures qui puissent y faire