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à la volupté qui la fuit ! Quittes, je t’évoque du sein des morts, quittes ces champs toujours verds, & l’éternel printemps de ces jardins fleuris, riant séjour de ces âmes tendres & généreuses, qui ont joint le plaisir délicat de faire des heureux, au talent d’être heureuses. Enivré des joies les plus pures, s’il t’est possible, reprends ta première forme, pour mieux les sentir encore ; ou si tu ne peux quitter les La Farre, les La Faye, les Chapelle, & autres mânes aimables ; auprès de qui la plus douce sympathie t’enchaîne pour jamais, qu’il naisse de ta cendre un autre toi-même, qui m’apprenne à venger l’amour du culte indifférent de la plupart des mortels.

Muses, grâces, amours, qui fûtes les dieux, les feuls dieux de Chaulieu, comme de Voltaire, ou rendez-le à mes tansports, ou daignez être les miens ! Sans vous, sans votre adorateur, comment peindre ces jouissances parfaites, ces contentemens, ces extafes d’une âme éperdue, dont la tendresse surpasse encore les tranfports ? le vainqueur de l’Inde a cent fois chanté les glous glous de la bouteille. Je veux dire ceux de l’amour, incomparablement plus délicieux. Toi, qui les as si sensiblement goûtés, durant le cours de la plus agréable vie, trop aimable voluptueux, comment rendre ce qu’il y a de plus sensible dans les amours des tendres colombes ? Comment expliquer cette espèce