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sophe que lui : fonds la glace de ses idées, sans qu’elles perdent rien de leur justesse ; animes enfin, donnes la vie aux objets, même les plus fantastiques : l’imagination voluptueuse attend de toi son triomphe.

Et toi, Bernls, convive aimable & décent, qui fais oublier l’indécent Grécourt, tu es plus propre à inspirer le goût du plaisir, qu’à convertir les incrédules ; lis-nous ces vers charmans, que t’ont dictés de concert les grâces & la volupté, & qui, présentés par Cypris, t’ont élevé à un rang, que tu dois peut-être en partie aux ouvrages d’amour, qui ont su plaire à la déesse.

Toi-même, cher Fréron, que veux-tu faire à pareil prix de la mauvaise succession d’un prêtre encore plus mauvais qu’elle ? Crois-moi, laisse critiquer les esprits froids qui sont sans talens : connois-toi mieux, cèdes au beau feu de ton imagination poétique ; qu’il te serve à te bien peindre à toi-même les beautés de Lucrèce, comme le nouveau traducteur de Pétrone, s’étoit sans doute pénétré de celles de son auteur. Pour bien traduire Lucrèce, il suffit d’être, je ne dis pas meilleur philosophe que toi, mais aussi mauvais physicien que lui. Mais pour invoquer l’amour d’une manière digne de ce dieu & du poëte qui l’a chanté, pour rendre en beaux vers les magnifiques descriptions d’un écrivain, qui s’ex-