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corriger & embellir, apôtre & rival d’Ovide ; gentil Bernard, quand donc veux-tu lui donner en public tes leçons dans l’art d’aimer ? Mais si c’est un art imposteur, que je l’ignore toute ma vie. Non, je ne tromperai point un objet qui me rend heureux, si ce n’est pour le rendre plus heureux lui-même.

Gresset, pourquoi garder si long-temps le silence ? en continuant de nous décrire la volupté, ne sera-ce pas la sentir toi-même ? Qu’importe, si ton cœur est heureux, que ton esprit en soit énervé ? Peins-nous jusqu’aux plaisirs, qui se mêlent aux pavots de Morphée : peins-nous ces songes toujours trop courts, où rien ne distrait l’âme enivrée de la plus pure volupté ; dis si la réalité même fait plus d’impression sur les sens. C’est ici la preuve que le bonheur n’est qu’une illusion agréable, une heureuse façon de fentir, qui dépend de l’imagination. Mais que ton pinceau prête des couleurs aimables à cette vérité. Tu fais que


» Souvent en s’attachant à des phantômes vains,
» Notre raison séduite avec plaisir s’égare,
» Qu’elle-même jouit des objets qu’elle a feints,
» Que cette illusion pour un moment répare
» Le défaut des vrais biens, que la nature avare
      » N’a pas accordés aux humains.


Mais plus poëte que Fontenelle, sois aussi philo-