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n’apprennent qu’il n’est pas possible d’être long-temps voluptueux ?

Crébillon, voluptueux aussi délicat que lascif, quelle foule de beaux esprits, l’art de sentir, le goût du plaisir rassemble auteur de toi ! L’admiration est le moindre des sentimens que tu leur inspires. Mais connoitrois-tu si bien le cœur des femmes ? Aurois-tu peint à la postérité celles de ton siècle, avec des couleurs si voluptueusement caustiques, et le plaisir, le plaisir même, qu’elles t’ont donné, ingrat, ne t’eût éclairé sur des défauts précieux à l’amour.

Moncrif, la volupté te revendique ; on t’a injustement comparé à ces chymistes ruinés, qui ont la fureur de nous enseigner le secret de faire de l’or : le bonheur que tu as d’être aimé d’un grand ministre, t’a fait croire qu’il y avoir un art de plaire. Peintre charmant des plaisirs de la jeune Aurore & des regrets du vieux Titon, tu mériterois de recommencer ton cours, pour avoir si bien décrit l’amour & ses douceurs. Ah ! si Jupiter t’accordoit de nouvelles années, sans doute, tu saurois bien les reperdre, mais dans les plaisirs, mais moins vite, que cet amant prodigue ! meilleur économe des faveurs du plus grand des dieux, tu ménagerois la vigueur de ta jeunesse, pour prolonger ta félicité.

Voluptueux de toutes les saisons, que tu fais