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décente, n’a rien de groſſièrement laſcif ; épurée par la délicateſſe, toute en ſentiment, elle ſéduit le cœur par l’eſprit, qui les fait valoir. Oui, c’eſt elle, c’eſt cette volupté des honnêtes gens, qui a répandu ſur tes ouvrages cette âme qui nous touche, nous émeut, cette expreſſion attendriſſante qui donne aux arts les grâces inimitables du ſentiment. Beaux arts, aimables enfans, dont le ſéjour & le père eſt à Paris, je vous reconnois à peine en d’autres climats, mais je vous adore, élevés par Voltaire.

Que j’aime à te voir peindre ce vuide affreux d’un cœur ſans tendreſſe ! Non, rien ne peut le remplir ; tous les goûts, tous les arts, rien, tu dis vrai, rien ne peut remplacer l’amour. Mais pour exprimer comme toi la triſte ſituation d’un cœur, qui ſe voit forcé de quitter le dieu qui l’a quitté, d’un cœur, hélas ! qui ne peut plus aimer, il faudroit la ſentir de même. Quels regrets plus vifs que les tiens ! Plaiſe à l’amour, qui en aura été touché, de te faire encore quelquefois ſentir les approches du plus reſpectable des dieux, ſigne conſolateur d’une amante éperdue, & telle, qu’au nautonnier alarmé, ſe montre la brillante étoile du matin.

Sainte-Foi, j’aime auſſi la volupté de ton pinceau ; il étoit digne de peindre l’amour & les grâces : mais pourquoi faut-il que ton exemple & tes ſuccès