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La

volupté.

Loin d’ici, beaux eſprits, précieuſement néologues & puérilement entortillés : loin d’ici, vil troupeau de ſerviles imitateurs d’un modèle encore plus froid que vous : votre art trop recherché ne me conduiroit qu’à des jeux d’enfans, que la raiſon proſcrit, ou à un ordre inſipide que le génie méconnoît, & que la volupté dédaigne. Vous ſeuls pouvez divinement m’inſpirer, ô vous heureux enfans de la volupté, vous que l’amour a pris ſoin de former lui-même, pour ſervir à des projets dignes de lui, je veux dire, au bonheur du genre humain ; échauffez-moi de votre génie, ouvrez-moi le ſanctuaire de la nature, éclairé par l’amour. Nouveau, mais plus heureux Prométhée, que j’y puiſe ce feu ſacré de la volupté, qui dans mon cœur, comme dans ſon temple, ne s’éteint jamais.

Voltaire, ſois mon premier guide : tu avois trop d’eſprit pour ne pas être voluptueux, pour ne pas préférer le ſentiment à l’eſprit, comme l’eſprit à la beauté même. Peintre favori de la nature, tu en ſaiſis tous les mouvemens, tu en connois les charmes : chez toi la volupté noble, pour ainſi dire, polie,